Recevoir sa pension sous le soleil d’Alger ou sur les plages du Portugal attire de nombreux Français à la retraite. Pourtant, selon le rapport 2025 de la cour des comptes, la fraude aux retraites à l’étranger prend une ampleur inquiétante. Derrière cette apparente tranquillité, des millions d’euros échappent chaque année au système, suscitant de vives inquiétudes sur la gestion et le contrôle des pensions versées hors des frontières.
Pourquoi la fraude aux retraites à l’étranger inquiète-t-elle autant ?
La fiscalité avantageuse, les coûts de vie réduits et la proximité familiale incitent de nombreux retraités résidant à l’étranger à toucher leur pension loin de la France. Près de deux millions de pensionnés bénéficient de versements annuels d’environ 6 milliards d’euros dans divers pays, dont le Maghreb, l’Espagne, l’Italie ou la Belgique. Cela représente une masse financière considérable, mais aussi un terrain favorable pour certains abus et fraudes.
La cour des comptes estime que seuls 47,5 % des retraités à l’étranger bénéficient d’un suivi efficace grâce à des accords d’échange d’état civil entre la France et les pays concernés. De nombreux décès non déclarés ou preuves d’existence falsifiées entraînent le maintien de paiements indus pendant plusieurs années, engendrant un préjudice financier important pour la sécurité sociale.
Quels sont les mécanismes de la fraude aux retraites à l’étranger ?
Différents stratagèmes existent pour contourner les règles et tirer profit des failles du système. Certains dossiers se voient maintenus faute de contrôles renforcés entre les administrations françaises et étrangères. La question de la fiabilité des justificatifs transmis reste centrale pour déceler ces pratiques frauduleuses.
Un schéma classique s’appuie sur la non-déclaration de décès : lorsqu’un pensionné décède à l’étranger et que la nouvelle n’est pas transmise rapidement, les pensions continuent à être versées parfois durant plusieurs années. Il arrive même que des attestations de vie falsifiées soient produites pour faire croire que la personne est encore vivante, accentuant ainsi les pertes pour la sécurité sociale. Face à ce constat, la lutte contre la fraude aux pensions de retraite occupe désormais une place stratégique dans les prochaines actions de la Cour des comptes afin de limiter ces pertes économiques considérables.
Les principales fraudes détectées
Plusieurs types de fraudes ont été identifiés : parfois, des bénéficiaires fictifs usurpent l’identité du véritable titulaire après son décès. D’autres fois, des bénéficiaires multiples perçoivent différentes pensions en multipliant les faux documents. La transmission manuelle de documents papier rend difficile la comparaison d’informations entre pays et favorise la persistance de ce genre d’anomalies.
Cette opacité explique pourquoi les organismes concernés, notamment la Cnav et l’Agirc-Arrco, avouent n’avoir aucune estimation précise du montant total de ces fraudes malgré leur impact financier croissant. Les données récoltées restent très partielles, renforçant le sentiment d’impuissance face à cette situation.
Le rôle limité des échanges internationaux
Le manque d’accords robustes avec certains pays fragilise le système de contrôle. Seulement la moitié environ des retraités résidant à l’étranger sont couverts par des conventions permettant l’automatisation et la fiabilité des démarches administratives, ce qui laisse une large part à l’incertitude. Ce déficit de coopération handicape sérieusement la qualité des vérifications possibles.
Face à cette réalité, il devient crucial d’étendre et d’améliorer la collaboration entre la France et les pays où résident ses retraités afin de faciliter la transmission électronique et sécurisée des informations issues des registres d’état civil locaux.
Quels pays concentrent la majeure partie des fraudes ?
Certaines zones géographiques concentrent à elles seules l’essentiel de la fraude aux retraites à l’étranger. Parmi ces territoires, le Maghreb occupe une place importante. L’Algérie, où plus de quatre cent mille pensionnés perçoivent leur retraite française, figure parmi les principaux foyers du problème selon la cour des comptes.
Pour l’Algérie, le préjudice financier annuel oscille entre 40 et 80 millions d’euros selon les estimations disponibles à ce jour. Le Maroc n’est pas en reste avec environ 12 millions d’euros de pertes identifiées, tandis qu’en Espagne, le flou demeure à propos du réel impact en raison de l’absence de statistiques précises sur le sujet. Dans une approche plus large de la lutte contre la fraude, d’autres secteurs doivent également revoir leurs méthodes de contrôle, comme le retrait progressif des caisses automatiques dans certaines grandes enseignes de distribution qui illustre la volonté d’adapter les dispositifs de surveillance pour répondre à de nouveaux défis.
- Algérie : entre 40 et 80 millions d’euros de préjudice par an
- Maroc : près de 12 millions d’euros perdus chaque année
- Espagne, Italie et Portugal : manque de données fiables mais vigilance accrue
Dans certains cas, la difficulté d’accès fiable aux registres d’état civil locaux ne permet pas à la sécurité sociale française d’opérer les vérifications nécessaires. Ce contexte explique le retard pris pour évaluer puis contrer efficacement l’ampleur réelle des fraudes dans ces régions.
Un autre problème tient à la mobilité croissante des pensionnés qui peuvent changer de pays, voire de continent, rendant les systèmes actuels peu performants face à cette diversité de situations et d’interlocuteurs.
Comment renforcer les contrôles et garantir la légitimité des pensions versées à l’étranger ?
Face à l’ampleur de ce phénomène, plusieurs pistes émergent pour mieux lutter contre la fraude aux retraites à l’étranger. Renforcer les contrôles implique d’engager davantage de moyens humains et techniques pour traquer les anomalies et détecter précocement les cas suspects. La modernisation des outils informatiques et le recours à des bases de données partagées pourraient transformer la manière d’aborder ce dossier sensible.
Le député à l’origine de la demande d’audit souligne la nécessité urgente d’une évaluation chiffrée et rigoureuse sous l’autorité de la Cnav. L’objectif serait double : prévenir au mieux la répétition de telles fraudes et récupérer activement les montants indûment perçus, tout en garantissant l’équité envers les retraités honnêtes vivant à l’étranger.
Obstacles et solutions envisagées
Parmi les obstacles majeurs figurent la complexité des échanges internationaux et la disparité des réglementations locales. La mise en place de contrôles renforcés nécessiterait l’instauration d’accords d’échange d’état civil étendus à davantage de pays et leur application harmonisée sur le terrain. Élargir la surveillance aux flux financiers permettant de repérer les incohérences entre versements et certificats présentés s’avère également crucial.
Des dispositifs de reconnaissance biométrique ou de télé-déclaration pourraient limiter la présentation de preuves d’existence falsifiées, en associant les pensionnés à des procédures numériques sécurisées.
L’implication des organismes de sécurité sociale
L’accélération de la digitalisation des systèmes d’information de la sécurité sociale constitue une priorité. En centralisant les informations et en mutualisant les efforts entre caisses de retraite, il deviendrait possible de faciliter l’identification rapide des irrégularités et de limiter ainsi les passe-droits liés à des documents papier trop facilement falsifiables.
Finalement, la réussite de la lutte contre la fraude aux retraites à l’étranger dépendra du degré d’engagement des acteurs institutionnels, de leur capacité à établir des partenariats solides et durables avec les pays concernés, et des moyens déployés pour former les agents à détecter les nouvelles formes de contournement des règles sociales.